Neuralink : Premiers pas pour le contrôle d’un ordinateur avec le cerveau humain

Marie Louisy
De Marie Louisy 10 min de lecture
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Premier succès pour l’implant humain Neuralink. 01 mois après son opération, le premier patient, en pleine forme, est capable de déplacer le curseur d’une souris d’ordinateur avec son cerveau. Il y a cependant des zones grises.

En lisant cet article, vous saurez tout des enjeux actuels autour de l’expérience de Neuralink.  

A travers Neuralink, Elon Musk rêve d’équiper l’humanité de puces électroniques qui, implantées dans le cerveau, lui conféreront des pouvoirs immenses. Pour l’instant, il s’agit de réussir une implantation sans rejet ni séquelles, voilà qui est fait !

La progression est bonne et le patient semble s’être complètement rétabli, sans aucun effet néfaste à notre connaissance. Le patient est capable de déplacer une souris sur l’écran par la simple pensée.

Elon Musk sur X, le lundi 19 février 2024

Neuralink a saisi le bistouri 6 mois après avoir obtenu l’autorisation de pratiquer des tests sur des humains, soit en fin janvier dernier. L’entreprise, valorisée à 5 milliards de dollars US en 2023, a rapidement atteint sa vitesse de croisière. 

Même si elle capte plus l’attention du citoyen lambda, Neuralink est loin d’être le leader de la puce électronique implantées dans le cortex cérébral, ou interfaces cerveau-machine (brain-computer interfaces, BCIs)1

Neuralink : le petit Poucet qui fait grand bruit

Quoique plus effacées, des sociétés d’études sont plus avancées que Neuralink. Parmi celles-ci, Sychron avait déjà réalisé l’implantation humaine en 2021. Sychron permet à des individus souffrant de grave paralysie de contrôler un terminal informatique personnel pour les tâches quotidiennes :

  • SMS
  • Emails
  • Achats en ligne

Par conséquent, les projets de Neuralink ne sont pas une lubie, mais tout à fait réalisables. Il s’agit juste d’y mettre la manière. Surtout concernant les procédés scientifiques. 

Les désillusions en interne

En 2022, le sujet animal porteur de la puce de Neuralink – un singe – meurt alors qu’il doit jouer à Pong, un jeu vidéo. En décembre 2022, les employés de l’entreprise accusent l’entreprise de précipitation et de négligence entraînant la mort, ce qui déclenche une enquête fédérale.  

Au ban des accusés, Neuralink se défend et affirme son engagement à : 

travailler avec les animaux de la manière la plus humaine et éthique possible.

L’absence de publication de preuves

Elon Musk affirme mais ne présente pas de preuves. Fidèle aux réseaux sociaux, il commente les avancées de Neuralink, mais peine à rester crédible pour le monde scientifique. 

Les critiques scientifiques

Critique 1: L’opacité des essais cliniques

Elon Musk manque de rigueur scientifique et communique sur les essais cliniques de manière inappropriée :

Ce qui me laisse vraiment perplexe, ce n’est pas la technologie elle-même mais la manière de communiquer l’actualité scientifique (…) via des mises à jour occasionnelles sur les réseaux sociaux.

[Ce qui] semble contourner les protocoles établis qui soutiennent l’intégrité scientifiques [et empêche les experts d’évaluer ou de comprendre] la portée et l’impact [de toute avancée revendiquée.]2

Marcello Ienca, Professeur d’éthique de l’IA et des neurosciences à l’Université technique de Munich

Un tweet n’est pas exactement un rapport scientifique évalué par des pairs.

L. Syd M. Johnson, éthicien au Centre de bioéthique et de sciences humaines de la SUNY Upstate Medical University

Critique 2: la subjectivité des procédures

Elon Musk semble piocher dans les processus de validation des essais scientifiques, ce qui l’arrange, c’est-à-dire très peu. Les scientifiques s’inquiètent pour plusieurs dérives observées. On peut les classer en 3 groupes :

  1. L’ignorance volontaire des normes scientifiques et éthiques
  2. Les risques sécuritaires au sujet des patients
  3. Le risque d’entâcher la crédibilité de l’ensemble des acteurs du domaine de la neurotechnologie
L’ignorance volontaire des normes scientifiques et éthiques

Bien qu’il ait procédé en toute légalité, Elon Musk:

  • Viole les directives éthiques fondamentales de la recherche biomédicale, notamment la Déclaration d’Helsinki
  • A négligé l’établissement d’un comité d’éthique interne
  • Ne s’est engagé nulle part auprès des organisations politiques telles que l’OCDE, qui œuvrent dans ce domaine
Les risques sécuritaires au sujet des patients

Les scientifiques évoquent des blancs d’information, concernant la sécurité des sujets testés. On ignore :

  • Le rétablissement du patient
  • Son degré de guérison
  • De quelle souris parle-t-on ? La précision scientifique est absente
Le risque d’entâcher la crédibilité de l’ensemble des acteurs du domaine de la neurotechnologie

Les scientifiques redoutent que les légèretés d’Elon Musk soient préjudiciables au monde scientifique. Tout incident Neuralink sera imputé à la profession entière, provoquant le retard de véritables créations bénéfiques pour l’humanité, alors qu’il en a bafoué les normes. 

Mais en attendant, Neuralink reste sur sa lancée. 

Neuralink, qui a récemment – et discrètement – déplacé son siège social dans le Nevada, possède un agenda plein comme un œuf, qui prévoit entre autres :

  • Améliorer globalement les capacités cognitives de l’être humain
  • Guérir les pathologies lourdes telles que la dépression, la schizophrénie ou l’autisme
  • Prospecter la clientèle : nommé Telepathy, le futur produit fini à base de l’implant Neuralink sera premièrement commercialisé auprès d’individus ayant perdu l’usage de leurs membres
  • Et dans l’immédiat, faire cliquer avec la souris au maximum à son premier patient implanté !

Nous essayons d’appuyer sur autant de boutons que possible en réfléchissant, c’est donc sur cela que nous travaillons actuellement: pouvons-nous obtenir la souris gauche, la souris droite, la souris enfoncée, la souris levée.3

Elon Musk

Les questions fréquentes sur le sujet

Quel est le rôle de la puce de Neuralink ? 

La puce de Neuralink est un spécimen d’interface cerveau-machine (brain-computer interfaces, BCIs). Elle permet aux porteurs de contrôler des terminaux simplement à l’aide de la pensée. Une fois élaborée, la puce Neuralink assistera les personnes limitées : les non voyants, les paraplégiques ou les individus inaptes à communiquer pourront se connecter à leur environnement. 

Comment fonctionne-t-elle ?

* La puce est installée par un robot dans la zone du cerveau responsable de l’intention des mouvements
* Ensuite, elle enregistre et transmet les signaux cérébraux à une application
* Grâce aux signaux, l’utilisateur peut contrôler des terminaux (un clavier ou une souris d’ordinateur) par la pensée

Qu’est-ce que l’étude PRIME de Elon Musk ?

L’étude PRIME (Precise Robotically Implanted Brain-Computer Interface) désigne l’étude pour laquelle Neuralink a reçu l’autorisation de la FDA pour des tests. Elle a pour missions de :
* Etudier la sécurité du robot chirurgical et de l’implant
* Tester la fonctionnalité des appareils  

Par quels moyens la communauté scientifique communique-t-elle habituellement ses essais et recherches ?

* Les publications évaluées par les pairs
* Les prépublications
* Les référentiels
* L’enregistrement des essais cliniques dans la base de données publique ClinicalTrials.gov 

Conclusion   

Selon Elon Musk, Neuralink de porte à merveille et est sur les rails. Cependant, le comité scientifique n’est pas de cet avis, au vu des lacunes graves observées.

  • Le premier utilisateur de la puce Neuralink se porte et progresse bien
  • La négligence de Neuralink au sujet des procédures et protocoles alerte les scientifiques 
  • L’opacité scientifique autour de ses tests suscite l’inquiétude
  • Neuralink commercialisera son premier produit abouti à des individus aux besoins spécifiques

Marcello Ienca, Professeur d’éthique de l’IA et des neurosciences à l’Université technique de Munich, est formel : [Compte tenu des enjeux,] nous ne pouvons pas nous permettre un scandale ‘Cambridge Analytica’ impliquant le cerveau humain.”

A ce stade, les risques scientifiques évoqués sont encore réversibles. Mais Elon Musk l’entendra-t-il? 


Références

  1. Elon Musk’s Neuralink brain chip: what scientists think of first human trial, Nature. Publié le 02 février 2024. Consulté le 26 février 2024. ↩︎
  2. Experts Criticize Elon Musk’s Neuralink Over Transparency After Billionaire Says First Brain Implant Works, Forbes. Publié le 26 février 2024. Consulté le 26 février 2024. ↩︎
  3. First Neuralink human trial subject can control a computer mouse with brain implant, Elon Musk says, CNN. Publié le 20 février 2024. Consulté le 26 février 2024. ↩︎
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