Les médias français lancent un ultimatum à OpenAI, Google et Mistral pour l'utilisation de leurs données.

IA : OpenAI, Google et Mistral doivent négocier avec les médias français

Marie Louisy
De Marie Louisy 8 min de lecture
8 min de lecture
Les médias français exigent des négociations avec les géants de l'IA pour l'utilisation de leurs données.

Les médias Français envoient ultimatum à OpenAI, Google et Mistral sur l’utilisation des données pour l’IA

Les premières négociations de OpenAI avec les éditeurs de presse font tâche d’huile. C’est au tour des médias français de poser une mise en demeure à OpenAI, Google et Mistral pour préserver l’accès à leurs données pour leurs modèles d’IA. 

Dans cet article, vous découvrirez le contexte, les grandes lignes et les enjeux des exigences des médias français.   

Quelles sont les motivations des médias français ?

Imiter ce qui fonctionne

C’est un secret de polichinelle : OpenAI est en plein pourparlers avec les éditeurs afin d’avoir accès à leurs données en ligne. Et cela a un coût. OpenAI s’est engagé entre autres, à verser :

  • Environ 2 à 3 millions d’euros par an au groupe Le Monde1
  • Environ 250 millions de dollars US par an à News Corp2, de la famille Murdoch

Sans compter les émoluments à d’autres organes de presse. En général, les accords donnent accès aux données à l’IA contre rémunération3, ainsi que la possibilité d’affichage dans les réponses générées par l’IA. Une manne financière en temps de vache maigre, alors que les éditeurs cherchent à diversifier leurs revenus. 

Faire valoir ses droits

L’avantage, ainsi que la disparité des allocations de OpenAI, ont mis la puce à l’oreille des médias français qui ont décidé de faire front commun4. En effet, face aux géants de la Big Tech, faire cavalier seul n’est plus une option. Dans ce sens, 2 mouvements homogènes ont entamé des démarches. 

Discrètement, l’Agence France Presse (AFP) est en pourparlers avec des entreprises spécialisées dans l’IA. Plus imposante, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), fédérant environ 300 titres, a adressé un courrier à 25 fabricants d’intelligence artificielle. Le courrier a été émis conjointement avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM). En bonne place parmi les destinataires, figurent OpenAI, Google et Mistral, mais aussi Meta, Byte Dance5, Perplexity AI et Anthropic. 

Quels sont les termes de l’injonction des médias français à OpenAI, Google et Mistral ?

A première vue, rien d’impressionnant. Le directeur général de l’Apig, Pierre Petillault, résume ainsi une simple formalité d’usage: 

C’est un courrier d’ouverture de négociations.6

Des propos qui contrastent avec la fermeté des termes énoncés dans le courrier du 07 juin dernier, en attendant une éventuelle entente. En premier lieu, les éditeurs de presse français souhaitent – exigent de-  savoir si leurs contenus ont déjà été utilisés par les fabricants d’IA pour l’entraînement de leurs modèles. Les grands modèles d’IA sont concernés, en particulier les générateurs de texte et d’images. 

En deuxième lieu, ils souhaitent discuter avec les fabricants d’IA. Il s’agit d’obtenir un règlement en échange de leur accord pour l’accès à leurs données, spécialement les articles et les photographies. 

fixer notamment les conditions financières et les modalités techniques de l’utilisation de leurs publications, par les services d’IA générative (…) tant qu’un accord n’a pas été négocié et signé, vous n’êtes pas autorisés à récupérer et à utiliser les contenus (…) pour entraîner une intelligence artificielle (…)  ou pour établir ou fiabiliser les réponses de vos outils.7

Extraits de Les Echos et La Correspondance de la Presse

En troisième lieu, les médias France ont accordé un délai de réflexion aux intéressés :

Si nous n’obtenons pas de réponse satisfaisante, nous nous réservons le droit d’aller en contentieux, même si ce n’est pas la première option.

Pierre Petillault

Quels sont les enjeux ?

Une invitation à la table de discussion ou une mise en demeure : dans le contexte actuel, les expressions se valent bien pour des acteurs de l’IA qui ont jusqu’à 1 mois pour répondre. 

Pour antécédents, la majorité des médias français à commencé à fermer le juteux robinet de leurs données à l’IA depuis l’été 2023. S’appuyant sur le droit de refus en vigueur, ou opt out, la pratique consiste à rendre inaccessibles le texte et les images des sites internet. 

Réunissant à eux deux, 220 éditeurs et 800 titres de presse, les groupes de médias disposent de moyens de pression conséquents.

Mistral est déjà en “discussions formelles” avec des entreprises de presse. En cas d’impossibilité d’entente, les parties se retrouveront au tribunal. Avec la récente entrée en vigueur de l’AI Act, rien n’est joué pour les acteurs de l’IA. 

Les questions fréquentes sur le sujet

Qu’est-ce que le droit de refus ? 

Le droit de refus est un droit accordé en France par la directive de 2019 sur le droit d’auteur. Celle-ci autorise par défaut la fouille ou l’exploitation de contenu (data mining) à des fins de recherches et non commerciales. En même temps, elle accorde aux auteurs le droit de refuser l’utilisation de leurs contenus. 

Le droit de refus est également appelé opt out.  

Quels sont les groupes de presse français qui ont expédié un courrier aux fabricants d’IA ?

L’Agence France Presse (AFP) est en pourparlers avec des entreprises d’IA. Pour les expéditeurs du courrier, on dénombre :

* L’Alliance de la presse d’information générale (Apig)
* Le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)

Quels groupes de presse sont déjà rémunérés par OpenAI ?

* En France : Le Monde
* L’allemand Springer (Politico, Business Insider, Bild,…)
* L’anglophone News Corp (New York Post, The Sunday Times, The Daily Telegraph, The Wall Street Journal, The Times, The Sun)
* L’espagnol Prisa Media (El Pais)
* L’américain The Atlantic  

Qu’arrivera-t-il si les fabricants d’IA refusent de répondre au courrier des médias français ?

Si les fabricants d’IA refusent de répondre au courrier des médias français, ou bien si leur réponse ne les satisfait pas, il n’y aura plus de négociation. En lieu et place, les deux parties se retrouveront au tribunal.  

A retenir

Un nouveau bras de fer se profile à l’horizon pour les médias français et les géants de la Big Tech. 

  • Les médias français se sont fédérés pour inviter les fabricants d’IA à négocier
  • Ils exigent une juste rémunération pour l’accès et l’utilisation de leurs données par les robots d’IA
  • La législation européenne, plus restrictive à l’égard de l’IA, laisse les géants de la Big Tech en terrain défavorable
  • Les opérateurs d’IA ont 1 mois comme délai imparti pour répondre à l’injonction

“L’union fait la force”, dit-on souvent. Et cette fois-ci, les fournisseurs d’IA doivent confronter des interlocuteurs déterminés et éclairés sur leur valeur marchande. Il nous reste à savoir, jusqu’où ce rapport de force nous mènera-t-il ? 


Références

  1. Les patrons de presse entament des discussions avec les géants de la tech sur l’IA, La Lettre. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  2. Les groupes de presse empochent des millions grâce aux accords avec OpenAI, Le Big Data. Publié le 28 mai 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  3. IA: des médias français demandent l’ouverture de négociations avec OpenAI, Google et Mistral, La Dépêche. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  4. La presse française montre les dents face aux acteurs de l’IA, Les Echos. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  5. IA générative: des journaux français demandent des négociations sur l’utilisation de leurs contenus, Forbes. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  6. IA: des médias français demandent l’ouverture de négociations avec OpenAI, Google et Mistral, Le Monde. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
  7. Face à OpenAI et Google, la presse française passe à l’attaque, 01Net. Publié le 07 juin 2024. Consulté le 08 juin 2024. ↩︎
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